Une nouvelle écriture de la dérive

Samuel Dock a grandi et étudié à Besançon où il a passé son doctorat. « C’est d’ailleurs dans la capitale comtoise que j’ai commencé à écrire ce livre ». Photo Ludovic Laude
Le livre est sorti, le 15 mars dernier, dans une petite maison d‘édition, Le Manuscrit. Pourtant, sur internet, les blogs se multiplient autour de « L’Apocalypse de Jonathan » et de Samuel Dock, son auteur. Certains parlent même de roman générationnel. « Le personnage de Jonathan peut effectivement servir d’étendard à une génération », confie Samuel Dock, qui a passé une grande partie de son enfance, adolescence et jeune vie d’adulte à Besançon. « Mais ce qui se passe en lui correspond à un mécanisme universel et intemporel. » L’histoire de Jonathan, c’est effectivement l’immuable sentiment de solitude, d’égarement face à la folie qui pointe, à des pulsions qui ne sauraient être maîtrisées. « Un personnage qui se sent en décalage, aliéné tout en refusant cette aliénation. »
L’immense réussite littéraire de Samuel Dock, c’est d’avoir su marier la dérive d’un homme à celle de la société qui l’entoure. « Ce jeune homme s’invente un monde basé sur un territoire où il s’égare. Chaque nuit, il rejoint un territoire complexe et primitif. Et il s’est mis dans la tête que cet univers archaïque infecte le vrai monde et va en précipiter la chute. » Du coup, en suivant la pensée de Jonathan pendant une quinzaine de jours, le lecteur le voit s’abîmer au fur et à mesure que le sentiment d’apocalypse est proche.
ELIETTE ABÉCASSIS COMME MARRAINE LITTÉRAIRE
En distillant la déroute d’un homme, Samuel Dock se permet donc une critique sociale sans faille. Et c’est là où toute une génération peut adhérer. « J’ai délibérément choisi un personnage qui est dans une phase de transition, celle vers le monde adulte. Mais plutôt que de grandir, il s’éteint. Extrêmement sensible, souffrant énormément, il apparaît comme un ami. Et sûrement comme quelqu’un à qui on peut s’identifier. »
Et cela marche. Aux internautes qui adhèrent, Samuel Dock s’offre des parrainages pour le moins prestigieux. Sa marraine littéraire n’est autre qu’Eliette Abécassis. Martine Lemalet, des éditions Le Manuscrit, a eu un véritable coup de cœur misant sur ce jeune auteur par ailleurs psychologue clinicien.
Mais qu’on se le dise, si la vie professionnelle de Samuel Dock est l’étude de cas cliniques, son inspiration ne saurait être diagnosticienne. Les propres affects de l’auteur forment le ferment de « L’Apocalypse de Jonathan ». « Je ne raconte pas mes propres expériences mais l’émotion est la mienne. »
Sincérité, donc. Mais aussi sensibilité extrême. L’écriture du coup est précise, millimétrée. « Je dirais même obsessionnelle et maladive. Quand j’aborde une sensation, je veux que le lecteur la perçoive avec précision. Je suis prêt à le brutaliser pour y arriver. » Mais à la manière d’un écrivain qui rentre dans la cour des grands : avec élégance et justesse.
Eric DAVIATTE
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