LCI : Nicole Belloubet ne veut plus poursuivre les délinquants de moins de 13 ans, est-on vraiment irresponsable avant cet âge ?

Merci à Romain Le Vern. L’article est disponible ici

PSYCHO – La garde des Sceaux Nicole Belloubet, qui a engagé une réforme de la justice des mineurs, veut établir un seuil d’irresponsabilité pénale à 13 ans. Mais est-on réellement irresponsable à cet âge ? Le psychologue Samuel Dock nous répond.

C’est la polémique du jour. Dans une interview publiée jeudi par La Croix, la garde des Sceaux Nicole Belloubet propose d’abroger un dispositif selon lequel un auteur d’infraction de moins de 13 ans écope d’une mesure éducative si le juge le considère comme capable de « discernement ». Elle propose ainsi, dans le cadre d’une réforme de la justice pénale des mineurs, de fixer un seul d’irresponsabilité à 13 ans. En d’autres termes, ceux qui ont moins de 13 ans ne pourront plus être poursuivis au nom d’une « présomption d’irresponsabilité ».

Si la délinquance existe bien sous cet « âge butoir » (selon le ministère de la Justice, environ 2000 jeunes de moins de 13 ans font l’objet de poursuites chaque année), une vraie question se pose : peut-on réellement considérer un enfant de moins de 13 ans comme « irresponsable de ses actes » ? Sollicité par LCI, Samuel Dock, psychologue spécialiste des adolescents et auteur de « Le nouveau malaise dans la civilisation » (Plon), s’interroge sur le choix du mot « irresponsable », selon lui un « signifiant étonnant » : « Un enfant n’est-il donc responsable de ses actes qu’à partir d’un certain âge ? » interroge-t-il. « Pourquoi alors, tandis qu’on cherche à l’éduquer et à le rendre apte à la vie en communauté, lui serine-t-on qu’il doit l’être ? ‘L’irresponsabilité présumée’ ne risque-t-elle pas d’être confondue avec une impunité ? Ces termes m’interrogent… »

Le terme « irresponsabilité » tend à « infantiliser »

Le psychologue déplore derrière ce terme d’irresponsabilité un reliquat du mythe de l’innocence infantile : « Un parent doit parvenir à transmettre les lois de la société à son enfant, mais il ne faut pas confondre ces lois avec une forme de toute-puissance : le parent doit montrer qu’il y est lui-même soumis, comme son enfant. Nous sommes tous égaux face à la loi. Un parent est responsable pénalement. Mais comment faire vivre la loi symboliquement, dans la transmission, dans une relation dissymétrique où l’enfant, lui, ne le serait  pas « encore » ? »

Un mot qui semble quelque peu problématique et ne rend absolument pas compte selon lui des forces vives du psychisme des pré-adolescents et des enfants : « Bien sûr, chaque enfant est singulier. Chacun a des ressources émotionnelles, cognitives, intellectuelles différentes et des perceptions différentes de ses relations aux autres. Mais de nombreux enfants sont évidement parfaitement conscients des actes qu’ils posent, et certainement pas irresponsables ».

D’où un problème avec cette idée qu’un enfant de moins de 13 ans le serait pénalement : « Cela m’évoque une certaine coupure du sujet avec la réalité de ses actes, de ses pensées, de ses intentions. Il n’y a en fait que dans la psychose que l’on est véritablement ainsi ‘dégagé’ de sa ‘responsabilité’. Nous sommes tous responsables. Quel que soit notre âge, » conclut le psychologue, déplorant au passage que, pendant ce temps, « certaines familles continuent d’attendre entre six mois et un an pour obtenir une place en CMP où en CMPP » (Centres médico-psychologiques et Centres médico-psycho-pédagogiques).

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