Merci à Romain Le Vern. L’article original est ici
« Quand la flèche, en feu, de Notre Dame de Paris a basculé dans le vide, c’était comme si, ensemble, l’histoire, la foi et la beauté avaient renoncé devant la barbarie », a tweeté lundi soir Bernard Pivot, comme effaré par cette image hallucinante, reprise à l’envi par les médias et sur les réseaux sociaux.
Historiquement, cette flèche, dont le coq placé au sommet a été retrouvé dans les décombres, est arrivée peu de temps après le Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, au moment de la résurrection de l’édifice emmenée par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc (1844-1864) qui, s’il a respecté matériaux, styles et époques, y a ajouté ce signe distinctif. « La voir chuter symbolise un monde qui s’écroule et donc l’anéantissement de toute une histoire », constate néanmoins le sociologue Michel Fize, contacté par LCI. « Cette flèche terrassée par la nature renvoie à ces humbles bâtisseurs qui escaladaient le ciel avec l’ambition humaine de bâtir quelque chose de grand. Sa chute est, en cela, un symbole du vivant qui disparaît. » Et nous renvoie à notre statut de mortel impuissant, à notre angoisse de mort.
Personnalisation de la cathédrale
En réagissant à l’incendie de Notre-Dame, le présentateur Stéphane Bern, en pleurs, a parlé d’une « amie proche », comme s’il avait été intimement touché dans sa chair. Une émotion vive, très largement partagée sur les réseaux sociaux, comme l’a constaté le psychologue Samuel Dock, également sollicité par LCI : « J’ai lu de nombreux statuts Facebook tournant beaucoup autour du corporel, disant par exemple ‘J’ai mal à mon ADN’, ‘J’ai perdu un bout de moi, c’est dans ma chair’ ou encore ‘C’est comme perdre une mère, comme perdre une sœur' ». Ces témoignages rappellent que la notion de Nation se construit à partir d’une métaphore maternelle et que l’on a besoin de symboles renvoyant à cet aspect pour lier les peuples, permettre le vivre-ensemble et les faire se rapprocher de manière construite. »
La flèche s’impose alors comme le symbole le plus manifeste du drame national vécu lundi soir : « Son écroulement renvoie à une perte maternelle dans cet espace qui nous structure, qui nous réunit comme si nous étions un corps gigantesque, poursuit le psychologue. Il se passe alors quelque chose de l’ordre de la castration avec cette flèche qui tombe, dans laquelle on mettait un sentiment de puissance, de pérennité, d’éternel ». En somme, ose le psychologue, « c’est comme si Paris était castré. »
Michel Fize voit, de son côté, une « personnalisation de la cathédrale » : « La flèche se dressait, fière, haute, comme un rapprochement de Dieu pour les Chrétiens. On s’est toujours demandé, en passant devant, comment elle pouvait résister aux bourrasques, aux tornades, aux tempêtes de vent. Elle a résisté au vent mais pas au feu. Elle est faillible en somme, et ce constat nous dévaste. »