Article de Romain Le Vern disponible ici
« Il y a une chose qui m’angoisse particulièrement en hiver, et qui vient de se réveiller suite au passage de la météo : j’ai peur de la neige », jure Florence, 34 ans, sur un forum de discussion. Martin, 25 ans, renchérit : « J’ai peur qu’elle ne se s’arrête jamais et que nous soyons ensevelis ». Cette phobie a un nom : « On parle de chionophobie, un terme désignant aussi les animaux qui sont incapables de s’adapter à la présence de la neige, pour dénommer la peur de celle-ci », nous explique Mandy Rossignol, professeure de psychologie à l’Université de Mons.
Cette phobie liée aux conditions climatiques, à la manière de celles de l’obscurité, des éclairs ou encore par exemple des nuages, est avant tout corrélée avec la peur de conduire sous la neige : « Je suis totalement incapable de rouler sur de la neige ou du verglas. Il est tombé 10 cm de neige hier, ce matin j’ai annulé l’école pour ma fille, et je vais annuler mes rendez-vous pour la journée. Pourquoi ? Parce que rien que l’idée de conduire même 200m sur la neige me tétanise. J’ai peur de ne rien contrôler, peur de mettre la vie de mes deux enfants en danger… », expliquait ainsi sur un forum Christine, 43 ans, lors d’un épisode neigeux en 2012.
Ce que confirme Samuel Dock, psychologue parisien joint par LCI : « Concernant la phobie de la neige, on remarque la plupart du temps que ce n’est pas la neige elle-même qui fait peur, mais plutôt le fait de glisser, et plus encore de glisser sur la route. Une phobie somme toute ‘rationnelle’, on parlerait presque de ‘pseudo phobie’, mais qui peut prendre des allures pathologiques lorsqu’elle interdit de prendre sa voiture et de sortir. La peur de ‘glisser’, de l’accident, peut devenir en effet très inhibitrice », estime-t-il.
L’évitement, la première réponse du phobique
Pour Mandy Rossignol, la peur de la neige provient surtout « d’une forme de pensée catastrophique » : le sujet est enfermé dans une sorte de fatalisme qui le maintient dans un cercle vicieux et l’empêche de sortir de sa phobie. « Ces personnes vont adopter des attitudes trop prudentes qui augmentent les chances de vivre l’expérience redoutée, ou elles vont s’interdire de sortir et ainsi éviter de se confronter à la source de leur peur. De manière générale, il faut bien savoir que l’évitement est la première réponse du phobique (j’ai peur de la neige donc je ne sors pas), et que l’évitement est toujours un facteur de maintien dans l’anxiété », analyse la spécialiste.
Par ailleurs, souligne le Docteur Jérôme Palazzolo, psychiatre et psychothérapeute, « on peut devenir phobique de tout. C’est une question d’apprentissage ». « Toute situation anxiogène associée à la neige pourra déclencher une phobie de la neige », poursuit-il, selon un mécanisme de la phobie expliqué dans le schéma ci-dessous.
Le psychologue Boris Charpentier ajoute quant à lui le risque d’une transmission de la peur d’un parent à un enfant : « si ce dernier est exposé à un parent qui redoute systématiquement la neige et qui expérimente une peur intense de manière systématique il est plus enclin à associer la neige à la peur qu’à la joie. La peur de la neige peut donc aussi être acquise par information et par apprentissage sur modèle. »
Une chose est sûre, la météo de cette semaine, avec le passage de la tempête Gabriel, va indubitablement glacer le sang des chionophobes. Mais aussi, s’il tombe beaucoup de flocons, de ceux qui souffrent de chionoshérophobie : la peur… des boules de neige.