Figaro Madame : Faire les cadeaux de Noël à la dernière minute en dit beaucoup sur vous

L’article original, outre sa version imprimée,  est disponible ici. Merci à Ophélie Ostermann.

Le comportement peut traduire beaucoup plus que de la simple désorganisation. Passage en revue des potentielles explications à J-4 du réveillon de Noël. 

En matière de cadeaux de Noël, deux profils d’acheteurs se dégagent. Les premiers, les Marie Kondo du présent, défient les lois de l’efficacité, achètent leurs présents dès les soldes d’été et déclarent l’opération terminée dès la première quinzaine de décembre. Les seconds s’infligent une course effrénée une semaine avant le réveillon, quand les pires d’entre eux vont jusqu’à transpirer le jour J dans les magasins. Au-delà des classiques désorganisés et rois de la procrastination, la répétition de ce schéma peut traduire des caractéristiques précises sur les «offrants», le tout de façon plus ou moins consciente.

Un cadeau (trop) lourd de sens ?

Pour comprendre les profils de ces retardataires hors-catégorie, le psychologue clinicien Samuel Dock (1) se penche d’abord sur notre époque. Car selon le professionnel, le comportement de ces acheteurs dit bien quelque chose de la société dans laquelle nous évoluons. Comprenez un «culte de l’urgence, où il est devenu difficile d’aménager du temps pour le plaisir, pour le choix du cadeau». Ainsi, plusieurs d’entre nous repoussent la mission de fin d’année «comme s’il s’agissait d’une obligation, d’une tâche à laquelle on ne peut de toute façon pas échapper», précise le psychologue.

Derrière les illuminations des rues et les chants de Noël, se trouvent également les magasins bondés, l’obligation de passer un bon moment et de mettre les conflits familiaux sous la table le jour J. Moins magique, donc. «Noël est extrêmement anxiogène. Alors faire ses cadeaux à la dernière minute permet aussi de repousser l’instant fatidique», indique Samuel Dock. Sans oublier la fatigue de fin d’année, qui n’enjoint pas à la sortie shopping. «Certains n’ont tout simplement pas l’énergie pour les cadeaux», commente de son côté Saverio Tomasella, docteur en sciences humaines et psychanalyste (2).

Bien sûr, le but du présent de Noël est de faire plaisir à son destinataire (sauf contexte familial exceptionnel). Mais pas seulement. Voici d’ailleurs ce qui peut en bloquer plus d’un(e) lorsqu’il s’agit d’aller le choisir. En réalité, un don n’est jamais qu’un simple don, et il se pourrait bien que le Goncourt 2018 offert à notre belle-sœur symbolise bien plus que ce que l’on ne pense. «Derrière le cadeau, il y a parfois des enjeux affectifs, diplomatiques. À travers l’objet se joue tout le lien familial, la relation à l’autre», détaille le psychologue.

Une résistance inconsciente

Dans la grande famille des retardataires, certains membres peuvent aussi être hostiles à la fête. «Au-delà de l’achat des cadeaux repoussés, c’est aussi la fête elle-même que l’on retarde. Finalement, « tant que je n’achète rien, Noël n’a pas commencé »», illustre Samuel Dock. Chez d’autres, on peut retrouver une lassitude, un sentiment d’usure vis-à-vis du 25 décembre. En pratique, l’entrée très tardive dans les magasins peut être vue comme une revendication, une «forme de résistance inconsciente, une façon de dire « je n’aime pas cette fête »», indique le psychanalyste Saverio Tomasella. Le professionnel identifie même dans certains cas de figure, une revanche sur la charge mentale subie durant le reste de l’année. «C’est trop peu conscient pour être affirmé de cette façon mais il peut parfois y avoir une compensation comportementale.»

Traumas et dépense

En retardant le plus possible l’achat des cadeaux, certains, «victimes de traumas liés à la période, peuvent repousser inconsciemment un souvenir traumatique», souligne le psychologue Samuel Dock. Enfin, dans un registre plus léger et au-delà du passif que chacun entretient avec les 24 et 25 décembre, le psychanalyste Saverio Tomasella identifie parmi les retardataires, des profils peu créatifs, économes voire peu généreux. «Inconsciemment, plus on reporte, plus on a l’impression de préserver son porte-monnaie», précise-t-il.

 

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