Punchlines dans « cogitations et monologues »

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C’est à travers une centaine de textes courts, sous forme de dialogues ou parfois de monologues, que Samuel Dock l’auteur, nous fait partager la relation de Samuel Dock le psychothérapeute, avec ses jeunes patients, des adolescents entre douze et dix neuf ans.

Il ne s’agit pas d’un ouvrage clinique truffé de noms et de citations d’éminents spécialistes, ni d’une succession de diagnostics ou de thérapies de psychologue en cabinet de consultation.

Le ton, le style, les thèmes abordés par les adolescents, font de Punchlines un ouvrage très abordable par le grand public et de plus, très agréable à lire.

L’auteur a fait le choix de partager avec ses lecteurs ces punchlines, ces phrases incisives de la part d’adolescents qui « ne se complaisent pas dans des larmoiements passifs mais ont du mordant à revendre » nous dit-il.
Des phrases pleines d’humour, souvent noir ou sarcastique, des mots d’esprit, des constats lucides, une grande créativité dans le choix des métaphores, une capacité d’autodérision pour nombre d’entre eux, tout à fait admirable pour des adolescents que l’on dit plutôt mal dans leur peau.

Parents, école, travail futur, état du monde, relations amicales ou familiales, sexualité, rêves, mort, tous les sujets sont abordés sans aucune contrainte par les adolescents, dans le cabinet de Samuel Dock.

Ce dernier n’intervient jamais avec de longues phrases, et avance comme en terrain miné, lorsqu’il répond à une question posée par l’adolescent en consultation.
Car explique-t-il la relation entre un psychothérapeute et son patient, repose sur des signaux extrêmement subtils. Un geste, un soupir une inflexion de voix peuvent arrêter ou relancer la parole, ou encore altérer profondément la perception de l’instant.

Samuel Dock s’interdit toute implication dans les éventuels conflits relatés par ses patients, et nous dit, après avoir écouté Sylvain, 15 ans (page105) qui se plaignait de ses parents, particulièrement envahissants :

« Le rôle d’un clinicien n’est pas de prendre parti, il n’a pas à s’inscrire dans un conflit ou dans un rouage institutionnel, sauf si la loi l’y engage … »

Après cette dernière information, on peut se demander, quel est alors le rôle du psychologue ?

Dans « Une technique, une technologie », après un bon mot d’Enzo 14 ans, (page 53), l’écrivain se remémore une conversation qu’il a eu avec un ami qui, las de toutes les réponses négatives de Samuel aux questions qu’il lui posait à propos de sa façon de pratiquer le métier de psychothérapeute, lui dit à peu près ceci :
Si tu ne guéris pas tes patients, ni ne leur apportes l’affection qu’ils n’ont pas chez eux, si tu ne les conseilles pas, ne les éduques pas, ne les orientes pas, ne les aides pas à sortir de leurs galères financières, si tu ne les soutiens pas, et ne leur enseignes rien, tu leur fais quoi au juste ?

La réponse de Samuel Dock est déroutante à première vue, mais tellement simple et humaine qu’elle embellit l’image que l’on se fait du métier de psychologue.
« Je ne sais pas ce que je leur fais, mais je leur fais du bien. » répond-il.
La spécificité de ce métier pour le clinicien, fait qu’il se place au croisement du soin, de la philosophie et de la recherche intellectuelle.

Et cette particularité rend possible, l’émergence de la parole, de l’imagination et de la personnalité ajoute Samuel Dock.

C’est ainsi que l’on constate, que ces adolescents en consultation, que l’auteur a choisis pour Punchlines, ont la langue plutôt déliée lorsqu’ils dialoguent avec lui.
On se surprend à sourire, à rire même, en lisant ou en relisant un passage succulent, un bon trait d’esprit ou une métaphore hilarante, à chaque fois avec tendresse, bienveillance, sachant que pour ces adolescents, un passage chez le psychothérapeute est rarement anodin.
Il est évident que derrière ces constats tranchants d’adolescents et ces punchlines dignes parfois de performances d’humoristes confirmés, une souffrance plus ou moins importante se cache, malgré l’apparence légère de la forme des propos tenus.

A la fin de la lecture de Punchlines, une chose importante a retenu mon attention.
Pas un seul adolescent ne parle de ses parents de façon positive.
C’est banal me direz-vous. Certes, dans l’état actuel des choses. Mais ce n’est certainement pas une fatalité.

« Mes parents sont des clowns », « ma mère est une cruche » », l’autosuffisance de ma mère me saoule », ou encore « mes parents font comme si je n’existais pas », « c’est moi qui consulte mais c’est ma mère qui va droit dans le mur » confient les jeunes patients à leur psychothérapeute.

A la lumière de ces constats faits à propos de leurs géniteurs, il semble qu’il serait salutaire pour tout le monde, qu’à chaque demande de consultation pour un adolescent, émanant d’une institution, d’un père ou d’une mère, peu importe, une consultation obligatoire pour les parents soit exigée.
Avec de la bonne volonté il n’en pourra résulter que du bien.

Samuel Dock termine Punchlines sur une note d’espoir :
Il souhaite que les adolescents « renversent le cours du temps, lestés de connaissances, dépouillés des tabous d’antan, le savoir en un clic, la vie à portée du cœur, plus tolérants et plus cohérents que leurs parents, qu’ils distancent les vieux grincheux, qu’ils fassent de ce monde un endroit plus harmonieux, un lieu où abriter leurs personnalités nouvelles. Leurs rêves aussi. »

Si j’ai pris le parti de recopier textuellement ces dernières phrases, c’est pour mieux apprécier le style recherché et toujours très travaillé auquel nous a habitué l’écrivain dans ses livres précédents, avec des images toujours belles, parlantes et poétiques quand il le faut.
Tout au long du recueil, Samuel Dock a su parfaitement jongler avec des styles différents, selon qu’il fait parler Sylvain, Nadia, Ethan ou Lydia ou tous les autres, ainsi que le psychothérapeute ou l’écrivain.

L’auteur souhaite que cet ouvrage inaugure, un dialogue nouveau entre les parents et leurs adolescents.

Il nous dit (p 58) après avoir écouté Ethan parler de l’état du monde d’une façon lucide, « J’affirme une fois encore que l’adolescent est le témoin vigilant de son époque : sachons l’écouter !»

Si ce livre peut aider à dépasser les clichés concernant les adolescents et les stéréotypes sur la psychothérapie, souhaitons qu’il nous aide tous, à comprendre l’importance de la communication et surtout l’importance de l’écoute de l’adolescent.

« Oh mon Dieu, mon Dieu mon Dieu » … il y a du pain sur la planche!

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