La psychothérapie à distance permet de trouver un psy rapidement, même dans des régions où l’offre est limitée, et d’intégrer ses rendez-vous dans son emploi du temps.
Face à la généralisation de cette pratique, les experts émettent quelques recommandations.
Avant le confinement de 2020, personne n’aurait osé appeler son psy du bureau ou du salon. Sauf cas de force majeure lié à un empêchement (maladie, déplacement…), il n’était pas envisageable de confier ses états d’âme au téléphone ou via des plateformes comme Skype ou Zoom. Mais la pandémie de Covid est venue bousculer nos habitudes. Depuis, il n’est pas rare de suivre une psychothérapie à distance. Une question se pose alors : est-ce aussi efficace ?
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« Si la France a longtemps été réticente, les pays scandinaves et anglo-saxons n’ont pas attendu le confinement pour étudier les effets d’un travail psychothérapeutique en ligne » , observe Dominique Servant, psychiatre au CHRU de Lille. Une étude parue en 2018 dans Jama Psychiatry révèle que les thérapies comportementales et cognitives (TCC) sont aussi efficaces en distanciel qu’en présentiel pour soigner la dépression ou les troubles anxieux. En 2020, des chercheurs canadiens le confirment dans une méta-analyse publiée par The Lancet .
Confortés par ces résultats, de nombreux psychiatres, psychologues, psychanalystes ou thérapeutes consultent désormais à distance. « Nous avons dû nous adapter au monde dans lequel nous vivons », estime Samuel Dock, docteur en psychopathologie clinique et auteur du livre Les Chemins de la thérapie (Flammarion). Puisque les moyens évoluent, pourquoi ne pas s’en saisir avec éthique et intelligence ? « Beaucoup reconnaissent l’intérêt de ce suivi lors duquel il se passe autre chose mais qui préserve aussi l’alliance thérapeutique (la relation entre le patient et son psy) ou le transfert (la projection des affects du premier sur le second), des éléments essentiels au travail thérapeutique », explique-t-il.
Surtout, le dispositif offre de précieux bénéfices. Du côté du patient, il facilite l’accès au soin : il permet de trouver un psy rapidement, même dans des régions où l’offre est limitée, et d’intégrer ses rendez-vous dans son emploi du temps. Pour le praticien, il est l’occasion d’agrandir son périmètre de consultation et de réduire certains frais professionnels. Et pour chacun, c’est un gain de temps sur les déplacements. Efficace donc, mais surtout pratique.
Pas pour tous, ni pour tout
Cependant, la thérapie à distance ne convient pas à tous, reconnaît Dominique Servant. « Certains patients apprécient de consulter avec leur chat sur les genoux . Mais d’autres ont besoin de davantage de contacts, de soutien, donc d’une présence physique. Cela dépend aussi des difficultés rencontrées : si une écoute bienveillante peut être envisagée en ligne, la prise en charge d’un trouble psychique invalidant ne saurait se passer de rencontres », rappelle le psychiatre. Par ailleurs, toutes les thérapies ne peuvent être menées de loin : les approches psychocorporelles, l’EMDR par exemple qui repose en grande partie sur des mouvements des yeux guidés par le praticien, supposent d’être à ses côtés.
Le cabinet a aussi toute son importance. « Il offre un temps et un espace de sécurité, entièrement dédiés à la personne suivie en thérapie, explique Samuel Dock. Celle-ci peut déposer son bagage chez le psy, ce lieu symbolique qui recueille les tourments. » Il peut être difficile de recréer un tel sas de décompression au sein même de son quotidien.
Le dispositif étant encore nouveau, nombre de psys estiment qu’il convient de réfléchir à l’élaboration d’un cadre de travail plus codifié. La Fédération Française de Psychothérapie et Psychanalyse (FF2P) planche sur le sujet, confirme Christine Chiquet, sa coprésidente : « Nous devons préciser les modalités de ce type de prises en charge : pour quelles problématiques ? À quel rythme et dans quelles conditions ? La question de la déontologie est d’autant plus importante quand la rencontre n’a lieu qu’en virtuel, afin de préserver la possibilité d’un travail véritablement thérapeutique. » Un psy n’est pas un copain, ni un collaborateur, avec lequel on a rendez-vous pour un petit entretien sympathique. « Il est important de se montrer vigilant sur le parcours et la formation du professionnel de santé que l’on contacte, surtout en ligne puisqu’il est bien plus difficile de vérifier ces informations à distance », rappelle d’ailleurs Samuel Dock . La FF2P conseille donc de prendre quelques rendez-vous en face-à-face avant d’envisager d’autres modalités.
Garder un pied en cabinet
Cette réflexion est d’autant plus importante à mener aujourd’hui qu’on assiste à « une uberisation de la pratique, liée aux progrès du numérique mais aussi à la demande croissante d’accompagnement, compte tenu du mal-être sociétal actuel » , prévient Dominique Servant. Selon Santé Publique France, 17% des Français montrent des signes d’un état dépressif et 23% des signes d’un état anxieux, des chiffres particulièrement élevés.
In fine , nos trois experts sont formels et unanimes : mieux vaut coupler la thérapie en ligne avec des séances classiques. « Ne travailler qu’à distance serait sans doute passer à côté d’une partie du processus thérapeutique, conclut Christine Chiquet. Bien sûr, ce dispositif présente des avantages, mais il prive de ces temps particuliers qui surgissent en cabinet, entre deux êtres humains. » La thérapie est un cheminement, une aventure, qui propose d’aller vers soi. Et qui suppose parfois de sortir de chez soi.
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