Interview pour LCI : « Que se passe-t-il dans la tête d’un enfant qui reçoit une fessée? »

L’article original est ici. Merci à Romain Le Vern.

Le 29 novembre, les députés vont devoir se prononcer sur une proposition de loi contre les violences éducatives ordinaires, portée par Maud Petit (MoDem), clamant que « les enfants ont droit à une éducation sans violence » et que « les titulaires de l’autorité parentale ne peuvent user de moyens d’humiliation tels que la violence physique et verbale, les punitions ou châtiments corporels, les souffrances morales. »

Les auditions en commission des lois ont démarré ce jeudi et, pour la première fois, l’interdiction des claques et fessées a de bonnes chances d’être votée – les précédentes propositions de loi sur le sujet n’ont jusqu’ici jamais réussi à aboutir -, prohibant ainsi ce qui reste encore considéré comme une norme sociale (le fameux « c’est-pour-son-bien »). Car dans une étude réalisée en 2014 par l’observatoire « Approuvé par les familles », 40% des parents admettaient avoir recours à des réprimandes physiques (gifles et fessées), pour l’immense majorité (39,6%) de façon exceptionnelle. Une pratique bien ancrée dans nos mœurs, donc.

Punition contre-productive

Mais ceux qui tiennent ce bon vieux discours selon lequel « une fessée n’a jamais fait de mal » savent-ils ce qu’il se passe dans la tête d’un enfant en recevant une ? Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, parle dans un texte publié dans « L’Obs » d’une « sidération » provoquée par une paralysie momentanée du cortex cérébral (la matière grise qui permet de comprendre, d’analyser, de prendre des décisions et d’agir) et de l’hippocampe (le système d’exploitation de la mémoire, des apprentissages et des repères temporo-spatiaux). Un état lié au choc créé par la peur, la douleur, la surprise.

Pour le psychologue clinicien Samuel Dock, il demeure certes difficile de savoir avec exactitude ce qu’il se passe dans la tête d’un enfant recevant une fessée, mais tout adulte peut l’imaginer en tenant compte de ce que nous connaissons du développement de l’enfant et de ses identifications précoces : « Le parent représente l’environnement de l’enfant, il est le garant de la sécurité de son univers, des règles et des gratifications qu’il peut recevoir. Lorsqu’il frappe l’enfant, il envoie voler en éclats cet univers, et c’est donc d’abord de l’incompréhension que ressent l’enfant, incompréhension qui explique qu’une fessée n’aura jamais la moindre valeur éducative, explique-t-il à LCI. Le parent valorisait l’enfant, voilà qu’il montre par le corps que ce dernier lui est inférieur, et c’est donc un vécu d’humiliation qui le traverse ». Le psychologue précise qu’avec « le parent qui parlait et maintenant qui cogne, l’enfant peut ressentir ce qui s’apparente à un aveu de faiblesse parentale. »

Une pratique comme la fessée porte donc atteinte aux droits, à la dignité, à l’intégrité physique et psychologique des enfants, à leur santé, leur bien-être, leur développement et leurs apprentissages. D’autant que la peur qu’elle provoque est accentuée par le fait que les mains n’ont plus la même fonction symbolique aux yeux de l’enfant : « Autrefois, ces mains de parents exprimaient la tendresse et soudain, elles tapent. Le parent qui était aimant change de visage : tout cela fait peur. C’est la peur qui domine le tableau. Lorsque les fessées sont amenées à se répéter, la colère prend le dessus, la colère comme seule réponse à l’absence de langage ».

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