Les nouvelles, c’est un peu comme les poèmes, on les aime, mais on en lit peu. Quand on ouvre le recueil Nouvelles du couple, on comprend vite que l’intention de Samuel Dock, qui a réuni tous les textes qui le composent, se distingue. On ressent l’envie de créer une émulation, trouver une voix, qui se dégagerait ou se formerait à partir de toutes, comme un écho, une définition de l’amour moderne.
Qui, en effet, n’expérimente pas dans son quotidien l’enjeu de l’altérité, ne mesure le poids, pesant ou libérateur, des relations avec les autres ? « L’enjeu sociologique se cache derrière ce questionnement : dans notre société hypermoderne, prônant l’avoir au détriment de l’être, la définition de l’entité couple a-t-elle encore un sens ? L’amour peut-il encore durer ? » Ces questions, nous les connaissons, évidemment, et il serait tant appréciable de trouver pour une fois, quelques bribes de réponses, une solution, des pistes.
La littérature s’y frotte, depuis si longtemps, mais là encore, elle échoue à nous apporter une vérité. Non, c’est bien mieux, elle nous laisse le meilleur, ce que l’on retient, ce qui émeut, et ce qui importe bien plus, au fond, que la compréhension de ces situations : la beauté du chaos.
Car l’amour, on ne s’en éloigne jamais. C’est comme un phare, la lumière tourne. Ce recueil a cette image. Comme son trajet de lumière, il éclaire juste des pans différents, il y a des zones plus ou moins proches de nous, plus ou moins éloignées, le plan est parfois large, parfois serré. Mais au final, c’est toujours la même lumière qui permet de voir, le même repère, la lumière vient toujours du même point même si, comme des yeux, il est possible de la tourner à 360 degrés.
Le recueil distille de moments d’amour, des visions propres à chaque auteur, qui nous éclairent, nous, lecteurs ensevelis parfois sous nos vies comme le sont ici les narrateurs, et nous ravissent pour mieux nous ramener au cœur même de notre existence afin d’en percevoir quelques éclats de réalité.
Il y a des textes sur les poncifs qui peuvent générer du bonheur, les faux-semblants qui peuvent se métamorphoser en vérité, qui génèrent de l’amour, et sur les situations que l’on provoque à notre insu et qui se retournent parfois contre nous. Les textes restent optimistes, puisque ces personnages finissent souvent par se transcender, par faire preuve de plus de force que de faiblesse, soudain mus davantage par le désir de vivre que celui de s’effacer.
L’amour moderne a tendance à nous renvoyer à nos doutes et à nos propres failles. On y découvre aussi des coulées de douceur, des personnages et des états d’âme sensibles entre tribulations, fureurs, flamboyances, une juxtaposition de petites cellules, bien fermées sur elles-mêmes. Les écritures crissent, halètent, trébuchent, puis coulent, elles connaissent embardées et attaques. S’esquisse ainsi le portrait d’hommes et de femmes en pleines mutations mais aussi d’une génération qui balance entre veulerie et aspirations romantiques.
Il est difficile de résumer des nouvelles. On retrouvera avec plaisir la plume délicate et distinguée de Marc Villemain, l’émotion cachée, retenue derrière chaque phrase, la poésie que l’on connaît bien d’Hafid Aggoune, son romantisme que l’on devinait déjà éternel, et de nouvelles plumes prometteuses avec, notamment, Samuel Dock et Marie Plessis.
Mais, décidément, non, il n’y a pas une image-passerelle pour relier ces morceaux de vie. Ou bien c’est à nous de l’inventer, de chercher le non-dit, d’imaginer le non-vu de ces personnages en creux, et c’est une des grandes qualités de ce recueil. Il n’y a pas une image, mais il y a la musique qui s’échappe : c’est elle qui recolle ce qui peut encore l’être.
Virginie Troussier
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